Cov-insights, l’étude ethnographique : carnet de terrain #3 | Habitat

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6 min readMay 12, 2020

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Après plus d’un mois d’entretiens, il est temps de vous livrer une première analyse — thématique — de ce que nous avons observé chez nos enquêtés. Et quand on dit “chez”, le mot n’est pas choisi au hasard… Cette semaine, Baptiste, Emeline, Guillaume et Marc-Antoine vous ouvrent la porte de la thématique de l’habitat.

Pendant le confinement, de près comme de loin, tout le monde en a plus ou moins fait l’expérience… Avec le télétravail, la fermeture des bars et restaurants, des écoles ou des salles de sport, l’ensemble des activités de la vie quotidienne est concentré au sein de l’espace domestique. Conséquence : le lieu de vie doit être approprié, aménagé, transformé pour faire cohabiter toutes les activités du foyer.

“Selon qu’on est confiné ou pas, qu’on est seul, en couple ou en famille, que l’on habite dans un studio à deux ou une grande maison avec jardin, nous ne sommes évidemment pas tous égaux face à la concentration des activités et les adaptations nécessaires à la cohabitation.”
– Emeline, équipe de recherche

Dans un studio, improvisation d’un espace “sport”…
… et d’un espace “plage” pour les plantes comme pour l’habitante.

Concentration des activités dans l’espace domestique

Avant la crise, le logement est investi de différentes manières selon l’environnement urbain et la situation existentielle des personnes (lieu d’habitation, foyer, travail). Conséquence : un nombre plus ou moins important d’activités se passent hors du logement. Les individus se positionnent donc entre deux situations-types, ou deux “pôles”, avec d’un côté le logement comme scène de l’ensemble des activités — comme pour les détenus ou les personnes isolées géographiquement et/ou socialement ; de l’autre le logement comme scène d’activités sociales réduites — comme pour les jeunes urbains actifs dans les grandes villes.

Selon les cas, donc, les mesures de confinement ont des conséquences différentes. Certaines activités, réalisées initialement à l’extérieur, sont réimportées moyennant quelques adaptations (école, travail), d’autres apparaissent avec le confinement (yoga, cuisine, bricolage).“On assiste alors à une redistribution des activités — ajouts, retraits, adaptations — dans un système domestique plus ou moins plastique, lequel rend la redistribution plus ou moins possible.”
– Guillaume, équipe de recherche

Parfois, le logement devient un lieu de concentration très forte d’activités : pour les familles avec enfants, pour ceux qui télétravaillent ou ceux qui vivent dans de petites surfaces — et a fortiori pour les trois ! Pour gérer ce qui s’apparente à un véritable carambolage d’activités, les individus élaborent des stratégies et mettent en place des pratiques pour gérer les fonctions au sein de l’espace domestique.

Le déplacement des gamelles du chat de la cuisine au salon, permettant de travailler dans la cuisine en fermant la porte et une meilleure cohabitation animal/humain qui télétravaille.

Des règles spécifiques à la vie en temps de Covid-19

“On note que des règles spécifiques au confinement ont été instaurées à titre exceptionnel pour faire face à une situation non moins exceptionnelle. Elles sont négociées, expérimentées, gardées ou abandonnées au fur et à mesure de la vie en confinement.”
– Marc-Antoine, équipe de recherche

Ces règles ont plusieurs effets : elles permettent de rythmer la journée ou la semaine, avec des plages horaires dédiées, par exemple à l’école ; de faire face à l’intrusion de nouvelles activités, avec à la mise en place de “temps calmes” pour réussir à travailler de chez soi quand on vit en colocation ; de cohabiter avec d’autres personnes, en faisant par exemple regarder des dessins-animés aux enfants pour retrouver du temps pour soi, et ce en dépit, parfois, de la réticence à utiliser les écrans.

L’aménagement en temps de confinement

En parallèle de ces règles de vie, l’espace domestique est transformé (parfois à la marge) pour accueillir et articuler “physiquement” de nouvelles activités ou simplement pour occuper son temps.

“Les aménagements temporaires dépendent, une fois de plus, du degré de concentration des activités et du rapport de l’individu à son lieu de confinement (chez lui, chez un autre) mais aussi des pratiques ordinaires du domicile et des caractéristiques initiales du logement.”
– Baptiste, équipe de recherche

Travail, musique et sport dans un même espace, selon les moments de la journée.

Les aménagements temporaires sont d’autant plus nombreux et fréquents que la concentration des activités est importante — dans le cas des activités nouvellement importées, notamment — ou que le degré de cohabitation est élevé.

“On note également que les transformations sont marginales ou inexistantes pour ceux qui sont habitués à travailler de leur domicile avec des espaces et des artefacts qui le permettent, là où d’autres ont besoin de reconfigurer leur logement, en détournant la fonction de certaines pièces (une chambre devient bureau) ou d’objets (la réversibilité quotidienne d’une table à dessin / de travail / à manger).”
– Emeline, équipe de recherche

La table à repasser fait aussi office (ah ah) de bureau.

La continuation et la reprise des projets d’aménagement

En plus des aménagements nécessaires aux activités en temps de confinement, on constate la reprise de projets — plus ou moins ambitieux — qui avaient été laissés en suspens ou reportés, comme des travaux de peinture par exemple. Ajoutons à cela un investissement plus fort sur des tâches qui auraient été réalisées de toute manière (comme le jardinage du début de printemps) ou le démarrage d’une activité de bricolage de loisir (avec la fabrique d’un meuble par exemple).

Le confinement est l’occasion, pour certains, de commencer une activité de bricolage de loisir. Ici, une table basse “maison”.

“Mais attention, cela dépend du matériel à disposition des individus — comme de la peinture ou des pinceaux –, et des ressources d’approvisionnement disponibles près de chez soi, comme un magasin de bricolage qui fait Drive, un ami qui a du stock de ciment ou le supermarché du coin et son rayon déco.”
– Guillaume, équipe de recherche

Concentration des activités, règles de vie nécessaires à la cohabitation, initialisation ou reprise de projets d’aménagement… Voici quelques enseignements #Habitat de notre étude Cov-insights : la vie en temps de Covid-19. Pour approfondir ces sujets mais aussi comprendre pourquoi et comment les gens ont choisi — ou pas — leur lieu de confinement, connaître les stratégies de sanctuarisation de l’espace domestique ou constater l’investissement des espaces collectifs comme “tiers lieux”, on vous invite à voir le replay de notre Live spécial Habitat. Bonne séance et à la semaine prochaine !

En savoir plus

Cov-insights est une étude ethnographique sur le temps long, menée par le studio d’innovation spécialisé en sciences sociales unknowns. Son objet : comprendre les impacts d’une crise sanitaire, économique et politique de grande ampleur comme celle du Covid-19 sur nos structures sociales, nos sphères de vie, nos pratiques et nos représentations.
Et pour encore plus d’insights, nous nous sommes associés à Tilt Ideas (Groupe Kea Partners), pour construire un observatoire complet incluant l’étude des besoins et questionnements des dirigeants. De quoi penser l’avenir, reconstruire et innover en contexte de crise.

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